Par Florence Chatel, le 20/9/2023, site de La Croix

Culminant à plus de 150 mètres, tel un phare sur la ville, la statue de Notre-Dame de la Garde embrasse du regard Marseille. Point de repère pour les marins, elle est, pour tous, la Bonne Mère qui veille.

NOTRE-DAME DE LA GARDE ET LE VIEUX-PORT, MARSEILLE, BOUCHES-DU-RHONE (13)

► Quelle est l’histoire de la basilique Notre-Dame-de-la-Garde ?

Figure protectrice, emblématique de Marseille, Notre-Dame-de-la-Garde, surnommée « la Bonne Mère », est le lieu le plus visité de la Cité phocéenne. À l’origine du sanctuaire, nulle apparition de la Vierge ni découverte de statue, « simplement la volonté d’un homme de prier davantage et de travailler », raconte le père Olivier Spinosa, recteur de la basilique.

En 1214, un oblat en lien avec l’abbaye Saint-Victor demande aux bénédictins, à qui appartient la colline de la Garde, de pouvoir y résider, planter des vignes et construire une chapelle. Très rapidement, celle-ci devient un lieu de pèlerinage marial, si bien qu’en 1516, quand François Ier rejoint sa mère et la reine Claude à Notre-Dame-de-la-Garde, la chapelle a déjà été agrandie. En découvrant cet emplacement à la vue imprenable sur la mer et Marseille, le roi, soucieux de protéger la ville des armées de Charles Quint, ordonne de construire un fort autour de la chapelle. Celle-ci reste néanmoins accessible aux fidèles en temps de paix, grâce à l’ouverture du pont-levis.

À la Révolution, la chapelle désaffectée sert de prison pour des princes avant d’être louée en bien national par un ancien capitaine de navire, Joseph-Élie Escaramagne. Il obtient sa réouverture au culte public le 4 avril 1807.

En 1853, en plein renouveau catholique, l’affluence des pèlerins nécessite la construction d’un édifice plus grand. Le 11 septembre, Mgr Eugène de Mazenod pose ainsi la première pierre de la basilique actuelle. Contre toute attente, le projet retenu est celui d’un jeune architecte protestant, Henri-Jacques Espérandieu, qui travaille avec Léon Vaudoyer, architecte de la la « Major », la cathédrale Sainte-Marie-Majeure. D’importants travaux de terrassement du fort sont alors entrepris pour construire, sur cette assise, une basilique de style romano-byzantin. La crypte est creusée directement dans la roche, la nouvelle basilique consacrée le 5 juin 1864.

Endommagée en août 1944, lors des combats pour la libération de la colline de la Garde et de Marseille, et atteinte par la pollution, Notre-Dame-de-la-Garde a été l’objet d’une importante restauration de 2001 à 2008.

► Que symbolise son architecture ?

Son style romano-byzantin symbolise le lien entre l’Occident et l’Orient, qui est dans les fondations de la Cité phocéenne, « le cœur et les tripes de Marseille », explique le père Spinosa. Depuis toujours, ce grand port de la Méditerranée est un pont entre ces régions du monde. L’architecture de Notre-Dame-de-la-Garde l’exprime dans le contraste entre la crypte, dépouillée, et la basilique d’inspiration orientale avec ses pierres polychromes et sa nef tapissée de mosaïques. Aux arcs romans répondent des coupoles or. En tout, douze millions de tesselles provenant à l’origine de Venise forment la décoration de la basilique qui exalte Marie, Mère de Dieu et Reine du Ciel.

Parmi ces mosaïques, celle du cul-de-four de l’abside représente dans un médaillon un navire, l’Église, dont la voile bleu et blanc – couleurs de Marie et de Marseille – porte le monogramme de la Vierge. Si le bateau vogue sur une mer agitée, juste derrière lui se trouve une mer paisible au-dessus de laquelle brillent l’étoile de Marie et la croix du Christ dressée en haut d’un phare. « Ceux qui viennent ici font l’expérience que leur vie est dans une eau houleuse, celle de la guerre, des crises… Mais la paix n’est jamais très loin lorsque l’on navigue avec l’étoile qu’est Marie et la lumière que le Christ donne », commente le recteur.

C’est cette Bonne Mère que vénèrent les marins et les pêcheurs depuis le XVe siècle, ainsi que tous les Marseillais. En témoignent les milliers d’ex-voto, maquettes de bateau, tableaux, plaques de marbre gravées, apportés en remerciement d’un sauvetage en mer ou d’un vœu exaucé. Ils couvrent les murs de la basilique et de la crypte, et maintenant débordent sur la terrasse.

► D’où vient l’expression « la Bonne Mère » et que signifie-t-elle ?

Olivier Spinosa émet cette hypothèse : « L’expression vient sans doute des Missionnaires oblats de Marie Immaculée qui étaient en service au sanctuaire. Ils avaient été fondés par saint Eugène de Mazenod qui appelait lui-même la Vierge Marie “notre Bonne Mère”. » Or, dans la basilique, un grand ex-voto porte la mention : « Les oblats de Marie Immaculée à leur Bonne Mère. » « Il se peut que, dans la prédication, ils employaient souvent cette expression. Elle s’est ainsi transmise du cœur des pasteurs au cœur du peuple », poursuit le recteur.

À ses yeux, l’expression de « la Garde » – « Je monte à la Vierge de la Garde, ou je monte à la Garde » – est tout aussi populaire chez les Marseillais, croyants de toutes confessions et non croyants, qui ont pour coutume de venir présenter à la Vierge leur dernier né ou leur nouvelle année. « Marie qui garde la Parole dans son cœur est à la fois une vigie, une forteresse, un phare, une figure de protection qui nous garde dans la foi, l’espérance, la fidélité au baptême, l’amour du Christ », souligne-t-il.

Pour Manoël Pénicaud, l’un des deux commissaires de l’exposition « Ave Maria – Un pèlerinage en Méditerranée » (1), « la mère de Jésus est un pont entre l’Orient et l’Occident », ajoute l’anthropologue. Son nom, Myriam, est citée dans le Coran. De nombreuses mères se sentent comprises par elle. « Tous les jours, assure-t-il, nous voyons des musulmanes venir allumer un cierge et faire un vœu à Notre-Dame de la Garde. Elle est un lieu de convergence qui transcende les appartenances religieuses et culturelles. Ce même phénomène se produit à Notre-Dame-d’Afrique à Alger, à Notre-Dame-de-Santa-Cruz à Oran… »

Dans les yeux de Notre-Dame-de-la-Garde

De la mer, de l’autoroute, de la rade de Marseille, tout le monde aperçoit la statue de la Bonne Mère. Cette Vierge à l’Enfant monumentale de 11,20 mètres, en cuivre, dorée à la feuille d’or est l’œuvre du sculpteur Eugène-Louis Lequesne. Réalisée en quatre tronçons, elle a été assemblée au-dessus du clocher campanile de la basilique en 1869, consacrée le 24 septembre 1870. Sa particularité ? Elle est creuse, et un escalier – aujourd’hui fermé au public – permet d’accéder à sa tête. Mais alors, que voit-on à travers les yeux de la Bonne Mère ? « Un bout de la ville et, quand on se penche un peu, la main de l’Enfant-Jésus qui bénit, assure le recteur de la basilique. C’est la Bonne Mère qui nous présente son enfant et nous invite à regarder nos quartiers, nos lieux de vie et de travail… sous la bénédiction de celui qui est la Vie. »

Une figure protectrice de la ville

Appelée « la Bonne Mère », la basilique Notre-Dame-de-la-Garde est emblématique de Marseille et le lieu le plus visité. Située sur la colline de la Garde avec une vue imprenable sur la cité et ses alentours, elle doit son origine à un oblat qui demande en 1214 aux bénédictins de Saint-Victor d’y construire une chapelle. Très vite, celle-ci devient un lieu de pèlerinage marial. Puis entourée d’un fort sous François Ier, elle remplit la fonction de vigie pour protéger la ville tout en gardant sa dimension cultuelle.

En 1853, l’affluence des pèlerins nécessite la construction d’une grande basilique. Son style architectural romano-byzantin rappelle le lien entre l’Orient et l’Occident dans les racines de la Cité phocéenne.

L’expression populaire « la Bonne Mère » évoque la figure maternelle et protectrice de Marie. Sans qu’il y ait de certitude, elle a pu être répandue par les missionnaires oblats de Marie Immaculée au XIXe siècle.

Aujourd’hui, la Vierge de la Garde attire des visiteurs de toutes croyances et cultures. Des milliers d’ex-voto témoignent des grâces reçues en ce lieu.

Florence Chatel

(1) Présentée à Notre-Dame-de-la-Garde jusqu’au 24 janvier 2024.

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