Marie et le combat spirituel

Notre-Dame des Trois-Épis, 27-31août 2023

Après avoir consacré ses deux sessions annuelles précédentes à « Marie Consolatrice des affligés » (Lourdes 2021), puis au profil mariano-pétrinien de l’Église (« Église de Marie, Église de Pierre » ; Lisieux 2022), dont les Actes ont été publiés dans les volumes 75 et 76 des Études Mariales1, la SFEM s’est proposée de prolonger sa réflexion en considérant « Marie et le combat spirituel » (Trois Épis 2023). Pourquoi et comment l’Immaculée elle-même a-t-elle vécu à sa manière un tel combat ? Pourquoi et comment Celle qui est honorée sous les titres de « Secours des chrétiens », « Notre Dame des Victoires », « Spes nostra » (Salve Regina) exerce-t-elle, par sa présence exemplaire, intime, constante, assistante et surtout maternelle (cf. Jean-Paul II, Redemptoris Mater), et par son intercession, une relation d’aide unique auprès des pauvres pécheurs dont le chemin de sanctification « comporte l’acceptation du combat spirituel » (Jean-Paul II) ? Comment l’Écriture, la Tradition, le Magistère, la liturgie, les théologiens, les saints, les mystiques, la littérature, sans oublier le message des mariophanies ou encore l’expérience particulière du ministère d’exorciste, ont-ils répondu à ces questions autour de « Marie et le combat spirituel » ?

Ce n’est pas sombrer dans une quelconque sur-dramatisation pessimiste ni une mentalité jansénisante, que de considérer l’histoire des hommes, dans un regard chrétien, comme le lieu d’un combat spirituel. « Il n’y a pas de sainteté sans renoncement et sans combat spirituel » (CEC 2015) et son enjeu est dès maintenant la victoire de la charité sur le péché. Cette victoire est d’ores et déjà acquise dans le Christ, mais elle doit encore fructifier par l’Église au long de l’histoire, jusqu’au temps de l’accomplissement définitif. En cette victoire, les hommes sont renouvelés, et parce que ce renouvellement inclut la dimension relationnelle, ils contribuent à leur tour à transformer leur vie de famille, leurs cultures, leur vie sociale, et à inscrire cette transformation dans le dynamisme de la vie éternelle. Mais c’est bien d’un combat et d’un drame qu’il s’agit, car il est aussi possible à l’homme de développer dans sa vie et autour de lui les logiques du péché et de la mort éternelle. C’est le côté obscur de l’histoire des hommes que l’actualité géopolitique illustre tragiquement aujourd’hui comme hier.

Or, Marie, étoile qui resplendit de la lumière du Christ, « est entrée intimement dans l’histoire du salut » (Lumen Gentium 65). La victoire acquise dans le Christ a déjà fructifié pleinement en Elle, la Toute Sainte, alors que « sur terre, l’Église est parée d’une sainteté véritable, bien qu’imparfaite » (LG 48, CEC 825). Cette Église « sainte, non sans pécheurs » (card. Journet), c’est « la vertu du Christ ressuscité » qui « est sa force pour lui permettre de vaincre dans la patience et la charité les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans, et de révéler fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur, encore enveloppé d’ombre, jusqu’au jour où, finalement, il éclatera en pleine lumière » (LG 8).

« Les fidèles du Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en sainteté par la victoire sur le péché : c’est pourquoi ils lèvent les yeux vers Marie » (LG 65). S’ils sont bien inspirés de le faire, c’est parce qu’ils perçoivent que dans le combat spirituel qui est le leur, Marie tient une place importante. La place de l’humble Servante qui est toute-puissante sur le cœur de Dieu pour obtenir de Lui la grâce et la force dont ils ont besoin. Elle protège ses enfants contre les assauts du mal (Gn 3, 15), les fortifie dans les épreuves et les tentations (Ap 12, 4-17). L’Immaculée, qui ne participe qu’à notre condition de créature et non à celle de créature pécheresse, entre en jeu de manière unique dans le grand combat cosmique décrit par le livre de l’Apocalypse.

Si Marie brille déjà comme « un signe d’espérance assurée et de consolation devant le Peuple de Dieu en pèlerinage » (LG 68), c’est parce que glorifiée corps et âme, Elle n’abandonne pas ses enfants encore aux prises avec les adversaires (« le monde, la chair, le démon »), et en proie aux tentations, épreuves, pièges et tribulations du combat spirituel.

Dans le cadre particulièrement propice du Sanctuaire de Notre Dame des Trois Épis, lieu d’apparition mariale (4 mai 1491) situé non loin de Colmar, une cinquantaine de participants tant laïcs que prêtres et religieux, ont pu bénéficier, dans le climat de simplicité fraternelle et de prière que la SFEM aime à cultiver, de l’apport pluridisciplinaire d’une douzaine de conférenciers sur ce mystère de « Marie et le combat spirituel ».

Après quelques éclairages bibliques indispensables, notamment à partir de l’exégèse du chapitre douzième du livre de l’Apocalypse (Philippe Cloarec), diverses variations relevant de la théologie des saints ont été proposées : la compréhension du rôle de Marie en faveur des âmes du purgatoire par saint Pierre Damien (Christa Bisang-Baumann), celle du munus marial en matière de combat spirituel chez ces ténors de l’École française de spiritualité que sont saint Jean Eudes (Daniel Doré) et saint Louis-Marie Grignion de Montfort (Joël Guibert). Ce fut l’occasion d’exprimer combien l’un et l’autre mériteraient certainement d’être proclamés docteurs de l’Église universelle, tout comme Édith Stein (sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix) dont la mariologie a été aussi présentée dans la perspective du combat spirituel de son temps marqué par les ravages de l’idéologie nazie et le drame de la shoah.

Puisque l’Église prie ce qu’elle croit, selon l’adage précieux lex orandi, lex credendi inspiré d’une expression de Prosper d’Aquitaine (390-430), il convenait que l’apport du patrimoine liturgique au sens large, tant oriental qu’occidental soit bien mis en relief. Tel fut le cas à travers deux communications d’une part sur l’Hymne acathiste à la Theotokos « blessure inguérissable pour l’Adversaire » (Sr Marie-David Weill), et d’autre part sur la riche antienne liturgique Gaude, O Virgo Maria, cunctas haereses sola intermisti (« Réjouis-toi, Vierge Marie, toutes les hérésies, tu les as détruites »), antérieure au VIIIe siècle, et les échos au sujet de Marie victorieuse qui se laissent découvrir dans la littérature (Johann Roten).

Quant à la mystagogie des diverses mariophanies comme lieu de formation ou propédeutique au combat spirituel, elle a été amplement renseignée à travers trois interventions. Après un panorama d’ensemble centré sur « Marie et le combat spirituel dans les apparitions » en général (Marie-Gabrielle Lemaire), les messages respectifs de deux mariophanies ont retenu plus particulièrement l’attention : celui de Notre Dame de la Prière à L’Île-Bouchard (Jean-Romain Frisch), et celui de Notre Dame des Trois Épis apparue à un forgeron (Thierry Schoeré), le 3 mai 1491, tenant dans une main un glaçon évocateur de tristesse et de désolation, et dans l’autre trois beaux épis sur une seule tige, promesse d’abondance et de bénédictions (Alphonse Peter).

Quant aux enseignements à recueillir comme des fruits mûrs de l’expérience pastorale vécue, relue et réfléchie, ils ne furent pas en reste grâce aux interventions sur le ministère du prêtre marianiste Raymond Halter (François Nanan) ainsi que sur « Marie et le démon dans les exorcismes » (Dominique Auzenet) qui permit de mettre en valeur la force de dévoilement propre à la dévotion mariale.

Le prochain volume des Études Mariales (77), à paraître dans le courant de l’année 2024 qui sera celle du 170e anniversaire de la définition du dogme de l’Immaculée Conception, rassemblera l’ensemble des contributions de cette Session 2023 sur « Marie et le combat spirituel » afin de les rendre accessibles, non seulement aux participants et aux membres de la SFEM, mais aussi à un lectorat plus large.

P. Étienne Richer

Président de la SFEM

1 Marie Consolatrice des affligés, Actes de la 75e Session de la SFEM, Études Mariales 75, Abbeville, Imp. Paillart, 2022, 258 p. ; Église de Marie, Église de Pierre, Actes de la 76e Session de la SFEM, Études Mariales 76, Abbeville, Imp. Paillart, 2023, 293 p.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *