Quelques jours avant les assises de la 75e session annuelle de la Société française d’études mariales (SFEM), centrée sur Marie Consolatrice des affligés, et à laquelle il était attendu à Lourdes du 23 au 26 août 2021, le R.P. Olivier Maire (1960-2021) était assas­siné le 9 août 2021 à Saint-Laurent-sur-Sèvre1. Missionnaire montfortain depuis 1986, prêtre depuis 1990, il exerçait la charge de provincial2 de France depuis 2011, après avoir servi comme animateur rural, coopérant en Haïti, formateur des novices en Ouganda, prédicateur de nombreuses retraites et conférences dans le monde entier, et assumé bien d’autres obédiences. L’un des meilleurs spécialistes contemporains de la vie et de la doctrine de saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716)3, il avait notamment étudié de manière approfondie, entre autres, la notion de désir et d’« homme de désir» dans la doctrine du Père de Montfort4.

Le Père Olivier Maire était aussi un membre fidèle et très estimé de la Société fran­çaise d’études mariales fondée en 1935 par un père montfortain, le R.P. Benjamin-Marie Morineau (1876-1949). Intervenant très apprécié à plusieurs reprises lors des sessions annuelles thématiques de la SFEM5, il était prévu que le Père Olivier Maire donne une communication à Lourdes le 23 août 2021 sur « Marie Consolatrice en perspective mont­fortaine ». Une telle perspective, ce sont désormais les mots qu’il a prononcés en donnant l’homélie de la messe du dimanche 8 août 2021 au soir en la basilique Saint-Louis-Marie­Grignion-de-Montfort, à la veille d’être victime d’un acte de violence assassine, qui en demeurent pour nous l’écrin. Cette dernière homélie, qui a été publiée, tant elle a valeur de testament spirituel, porte sur l’évangile du Pain de Vie (Jn 6, 41-51). Elle s’achève sur cette méditation à la fois simple et profonde du prédicateur montfortain sur la commu­nion eucharistique:

« En communiant à l’autel, nous communions, nous recevons le corps de Celui qui s’est donné concrètement à nous, dont la vie n’est pas pour lui-même mais pour nous. En recevant son corps, nous nous engageons à faire de même : que notre vie aussi soit donnée au Christ, pour la vie du monde, à notre niveau et entre nous [ … ] En communiant au corps du Christ … Il se donne à nous … Nous devons aussi nous donner au Christ. C’est ce que saint Louis-Marie Grignion de Montfort appelait la « consécration », puisque Jésus s’est donné à nous, nous, nous devons nous donner à lui en devenant le corps du Christ. Amen.»6

Comment relire ces mots du Père Olivier Maire sans faire mémoire du fait que la vraie dévotion à Marie au sens montfortain ne saurait être vécue sans trouver dans la commu­nion eucharistique, connaissance aimante et intime du Corps et du Cœur de Jésus, son lieu de prédilection et sa plus belle expression ? Il est très significatif que le totus tuus tota mea, si cher à saint Jean-Paul II (1920-2005), soit situé précisément, dans le célèbre Traité de la vraie dévotion à la sainte Vierge (VD), au cœur des considérations du Père de Montfort sur la « manière de pratiquer cette dévotion dans la sainte communion » (VD 266-273).

Dans cette même toute dernière homélie qui fut la sienne, le Père Olivier Maire n’avait pas manqué de rappeler à l’assemblée dominicale cette vérité de foi : « Jésus-Christ est vraiment le Fils de la Vierge Marie, vraiment, et vraiment Fils de Dieu. C’est parce qu’il est vrai Dieu et vrai homme que le pain que nous partageons est vraiment son corps et que son corps nous donne la vie éternelle7». Dans cette lumière, si Marie est Consolatrice des affligés n’est-ce pas parce que la Sagesse a dressé en Elle la « salle des secrets de Dieu » (VD 248) et des « sacrements divins» (VD 264) selon l’expression empruntée à saint Ambroise par saint Louis-Marie? Ce dernier, dans son Cantique sur le Très Saint Sacrement pour le samedi, est allé jusqu’à énoncer une intuition spirituelle originale qui consiste à voir dans le lien d’amour qui unit Jésus à Marie un des motifs l’ayant conduit à instituer l’Eucharistie :

« Jésus ne peut quitter Marie, Tant l’amour qui les unit est si fort;

C’est pourquoi, peu devant sa mort, Il établit l’Eucharistie

Pour, après son Ascension, Être ici-bas sa consolation » (C 134).

Or, « le trésor de la mère appartient à l’enfant »8, selon le trait de lumière d’une strophe du dernier poème marial de sainte Thérèse de Lisieux (1873-1897) en laquelle elle médite elle-même sur la communion eucharistique vécue en Marie. Si Marie est Consolatrice des affligés n’est-ce pas parce qu’Elle est la« Femme eucharistique» selon le titre employé par saint Jean-Paul II dans son encyclique Ecclesia de Eucharistia (2003), dont les papes Benoît XVI et François se sont fait aussi les interprètes? Nul ne s’étonnera par suite, sans cesser des’ émerveiller, que« la dévotion parfaite à Marie nous introduit dans la plénitude du mystère eucharistique »9 dont témoignent ce que furent la vie, le ministère et la Pâques du regretté missionnaire monfortain Olivier Maire. Requiescat in pace.

ÉTIENNE RICHER, CB Président de la Société française d’études mariales


  1. Ces lignes sont un extrait de l’Avant-Propos en hommage au Père Olivier Maire (1960-2021), smm » au volume 75 des Études Mariales contenant les actes de la 75° session annuelle de la Société française d’études mariales (SFEM) sur Marie consolatrice des affligés, Abbeville, F. Paillart éditeur, 2022, p. 5-9.
  2. Provincial et de ce fait installé à la maison-mère de sa congrégation, à Saint-Laurent-sur-Sèvre, le P. Maire a parti­cipé plusieurs fois à des ouvrages historiques. On citera notamment «Saint Louis Marie Grignion de Montfort, écrivain spirituel», dans De Richelieu à Grignion de Montfort: la Vendée au XVII siècle, catalogue de l’exposition présentée au logis de la Chabonerie de mai à octobre 2005, p. 149-153 ; « L’inlassable missionnaire, Grignion de Montfort de la Bretagne à la Vendée », dans Vendée, Luçon, Maillezais, Saint-Laurent-sur-Sèvre, coll. La Grâce d’une cathédrale, éd. La Nuée Bleue, 2017, p. 403.
  1. À titre d’aperçu d’une riche bibliographie, voir notamment les articles « Beauté» et « Fins dernières» du Dic­tionnaire de spiritualité montfortaine (Ottawa, Novalis, 1994), ainsi que la biographie : Louis-Marie Grignion de Montfort. L’errance du pèlerin et de la Bretagne à la Vendée (coll.Vendée, terre de mémoire, 2), La Maison d’à côté, 2008. En italien, voir aussi toute une série d’articles de la plume d’Olivier Maire parus au fil des années dans la revue Spiritualità Monfortana du Centre International Montfortain (Rome) de 2003 à 2009 sur les« Sources du « charisme monfortain » », « Maria nelle missioni di san Luigi Maria di Montfort», « Maria e lo Spirito Santo», « La pedagogia missionaria di san Luigi Maria di Monfort »,« Poveri e povertà in Luigi Maria di Montfort», etc.
  2. Olivier Maire, Être homme de désir. La notion de désir chez saint Louis-Marie Grignion de Montfort, Rome, PUG, 1995 ; « Uomini di desiderio. Il cuore dell’uomo non desiderache Dio; Dio non desiderache il cuore dell’uomo », Spiritualità Monfortana 1 (2003), p. 61-149.
  3. Voir : Olivier Maire,« Les processions dans les missions de saint Louis-Marie de Montfort», dans Pèlerinages et processions. Permanence et mutations ( 66° session, Merville-Valenciennes, septembre 2009), Études Mariales n° 66, Médiaspaul, 2010, p. 175-202; « Figures de Marie dans la Cité mystique de Dieu de Marie d’Agréda», dans Les Vies de Marie. De la Bible aux récits visionnaires (69° session, Lyon, septembre 2013), Études Mariales n° 69, F. Paillart éditeur, 2014, p. 151-163; « Une lecture du mystère de la Visitation par saint Louis-Marie de Montfort», dans Marie éducatrice de la prière (70° session, Angers-I’Île-Bouchard, septembre 2014), Études Mariales n° 70, F. Paillart éditeur, 2015, p. 89-96.
  4. Olivier Maire,« Eucharistie, la dernière homélie» (Basilique Saint-Louis-Marie-Grignion-de-Montfort, Saint­Laurent-sur-Sèvre, 8 août 2021), coll. Discours n° 9, Pierre Téqui éditeur, août 2021, p. 9.
  1. Ibidem, p. 5.
  2. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte Face, Poésie « Pourquoi je t’aime, ô Marie», strophe 5, dans Œuvres complètes, Paris, Cerf/DDB, 1992, p. 751.
  3. Paul Poupard, préface au livre d’Alphonse Bossard, L’Eucharistie avec Marie, Paris, 1993, p. 11.

Texte publié dans la revue Recherches Vendéennes n°27 (2022), p. 27-29, intitulé « En mémoire du R.P. Olivier Maire (1960-2021), smm ». Inséré sue la site de la SFEM avec autorisation de la revue.


Père Olivier Maire : deux ans après sa mort, un oratoire dédié à la Vierge en sa mémoire

Un oratoire dédié à la Vierge Marie doit être béni à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), mercredi 9 août 2023 au soir, deux ans jour pour jour après la mort du père Olivier Maire, supérieur provincial des missionnaires montfortains.

Au milieu des roses du jardin des montfortains, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), un oratoire dédié à la Vierge Marie doit être béni, mercredi 9 août au soir. Il s’agit d’une statue de Notre-Dame-de-France d’un mètre, installée sur un socle surmonté d’une plaque commémorative.

Car la date n’a pas été choisie par hasard. Cela fait deux ans jour pour jour que le père Olivier Maire, 60 ans, supérieur provincial des missionnaires montfortains, a été retrouvé mort. La douleur est toujours vive pour la congrégation qui le considère comme un « martyr de la charité ». Ce dernier hébergeait à la maison montfortaine, depuis quelques mois, Emmanuel Abayisenga, son meurtrier présumé, depuis condamné à quatre ans de prison ferme pour l’incendie de la cathédrale de Nantes.

200 statues de Notre-Dame-de-France

L’oratoire n’est pas l’œuvre des montfortains, mais de l’association le « M de Marie ». En 2020, ces pèlerins ont sillonné la France avec une statue de la Vierge, afin de relier les lieux d’apparition au XIXe siècle. Le tracé forme la lettre M. Pour continuer de faire vivre leur projet, ils ont décidé d’ériger 200 statues de Notre-Dame-de-France dans les villages où ils sont passés, tous les quinze kilomètres. Une dizaine a déjà vu le jour.

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Saint-Laurent-sur-Sèvre était un lieu tout trouvé pour en installer une. « Il était évident qu’on construirait un oratoire là où nous avions été si bien reçus par le père Olivier », appuie Thierry Lotteau. Le pèlerin était à l’époque chargé d’organiser le parcours en Vendée. « Il m’avait beaucoup aidé, nous nous étions mis ensemble sur les pas du père Louis-Marie Grignion de Montfort (fondateur de la congrégation éponyme, NDLR) », se remémore-t-il avec émotion.

« Un grand amour de Marie »

Arrivés le 20 juillet 2020 à Saint-Laurent-sur-Sèvre, les pèlerins y avaient pris une journée de repos, accueillis par les montfortains. « Nous étions quand même entre 1 200 et 1500, et le père Olivier nous avait préparé une journée de prière avec des intervenants extraordinaires », se rappelle Thierry Lotteau. Jacques de la Bastide se souvient lui aussi de « l’accueil merveilleux » de ce prêtre « qui respirait la bonté », et avait « un grand amour de Marie ».

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Pas étonnant, donc, que la Vierge et le père Olivier soient célébrés ensemble le 9 août. « La bénédiction de l’oratoire se fera en lien avec la commémoration de la mort du prêtre », précise le père Paulin Ramanandraibe, élu supérieur des montfortains, qui présidera la cérémonie. Plus de 300 personnes sont attendues pour cette soirée. Thierry Lotteau se réjouit qu’ainsi, « au-delà de la peine, l’œuvre du père Olivier continue ».

Article publié sur le site de La Croix le 9 août 2023, Juliette Vienot de Vaublanc.

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